Je suis un oeil / Un oeil mécanique / Moi, c'est-à-dire la machine, je suis la machine qui vous montre le monde comme elle seule peut le voir / Désormais je serai libéré de l'immobilité humaine / Je suis en perpétuel mouvement / Je m'approche des choses, je m'en éloigne / Je me glisse sous elles, j'entre en elles / Je me déplace vers le mufle du cheval de course / Je traverse les foules à toute vitesse, je précède les soldats à l'assaut, je décolle avec les aéroplanes, je me renverse sur le dos, je tombe et me relève en même temps que les corps tombent et se relèvent… Voilà ce que je suis, une machine tournant avec des manoeuvres chaotiques, enregistrant les mouvements les uns derrière les autres, les assemblant en fatras. Libérée des frontières du temps et de l'espace, j'organise comme je le souhaite chaque point de l'univers. Ma voie est celle d'une nouvelle conception du monde. Je vous fais découvrir le monde que vous ne connaissez pas.
Dziga Vertov - Extrait du Manifeste du Ciné-Oeil, 1923